Ballade dans les galeries - vendredi 12 octobre 2007

Publié le par Christophe

Ou "it's always the same, always the saaaaame"
(sur l'air des Stranglers : "always the sun")

Avec Thierry et Nelly nous profitons d'un peu de temps libre pour aller nous promener du côté de la rue Debelleyme.

Première visite à la Galerie T.Ropac :
Dessins de Tony Cragg - du 15 septembre au 13 octobre 2007

Le communiqué de presse est véritablement splendide : "ce n’est pas tant le physique en soi qui intéresse Tony Cragg, mais plutôt la myriade de choses que génère une forme donnée, les propriétés invisibles qu’il capte sur le papier avec son crayon. "
Mmh miam si on les en croie ça va être sublime, une expérience inoubliable !
Tony Cragg expose donc une série de dessins assez intrigants, peut-être tout simplement parceque je n'imaginais pas à quoi ses dessins pouvaient ressembler.
Ces dessins me font tout de même plus l'impression de travaux préparatoires, d'esquisses, d'idées jetées sur le papier pour une éventuelle utilisation future, que d'oeuvres destinées à être exposées…
Un artiste doit travailler, et dans cette masse de travail certaines choses sont destinées à être montrées, d'autres font simplement partie de la masse de travail que l'artiste produit quotidiennement avant de pouvoir aboutir ses projets, quels qu'ils soient… en l'occurrence c'est un peu le sentiment que j'ai en regardant les dessins de Tony Cragg, sculpteur que j'ai découvert l'année dernière et que j'apprécie énormément.
Je verrais plutôt ses dessins accompagner ses sculptures lors d'une grande exposition…
Alors quelle est l'utilité de l'exposition ? Montrer un aspect plus intime de la recherche de Tony Cragg ?
Peut-être…  mais alors vendre à ce prix ce type de dessins ressemble quand même à l'exploitation d'une marque, bref de sa signature…
Je suis un peu gêné, non pas par ce qui est montré, mais par l'exploitation qui en est faite  à vrai dire.



Toujours à la gallerie Ropac, on peut voir une exposition commune de :
- Matali Crasset et
Peter Halley, du 8 octobre au 17 novembre

Dans la salle principale, Peter Halley expose ses toiles "conçues spécifiquement pour s'insérer aux dessins muraux de Matali Crasset". Dans le project room, cette dernière a prévu une installation de quatre pièces autour desquelles Peter Halley a réalisé une composition murale.

Matali Crasset présente donc ses nouveaux objets, entouré par la décoration murale d'Halley.
J'avoue que j'ai trouvé beaucoup intéressant de feuilleter ses catalogues : ses propositions pour revisiter l'espace l'intérieur sont colorées, gaies, intrigantes et souvent fonctionnelles. Sur certaines pages j'ai eu un peu l'impression de feuilleter le catalogue IKEA mais l'impression n'était pas péjorative étant donné le domaine dans lequel elle exerce. J'aime vraiment son utilisation de couleurs franches, lumineuses, parfois acides, mais toujours gaies.
N'étant pas un spécialiste en design je pense que Thierry aura néanmoins un avis plus pertinent que le mien sur le sujet…
Quand à ses nouveaux objets, je ne sais pas trop quoi en penser, et je ne trouve pas que cela fonctionne de façon si évidente avec le travail de Halley tout autour. Le "cross-over"entre les 2 artistes ne me semble pas très abouti, plutôt comme si chacun d'eux était resté sur ses positions.

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Peter Halley expose son travail très flashy également dans la galerie. L'exécution est impeccable, les couleurs ultra-vives, les surfaces alternent finition lisse et en relief. L'artiste utilise beaucoup les couleurs primaires et complémentaires pour littéralement "taper dans l'oeil" du spectateur. Certaines oeuvres font même cligner des yeux. On retrouve ce gimmick (Buren dirait "outil visuel") de ses "barreaux de prison" déclinés dans toutes les proportions, toutes les composition possibles (mais en restant bien dans son style).
Bon et alors ?
C'est amusant, certes, mais j'y trouve un aveu d'impuissance : exécuter depuis plus de 2 décennies ce type de toiles me semble assez rébarbatif. Décliner indéfiniment ce principe n'a pas (ou plus) non plus grand-chose d'artistique. C'est un peu le problème que j'ai avec une bonne partie de la production contemporaine :
- l'impression de voir plus des objets de marchandises que des oeuvres d'art.
L'une peut être l'autre et vice-versa, mais quand même mon sentiment devant tant de répétitions est que l'aspect marchand a cannibalisé l'aspect artistique d'une bonne partie de la production.
On trouve très souvent dans les galeries ce phénomène : on voit une affiche qui présente une oeuvre, et lorsqu'on rentre dans l'exposition on ne voit que la répétition de cette même oeuvre, avec simplement des variation de format, de couleur etc.
C'est un vrai problème actuel, enfin c'est mon sentiment…

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Nous continuons notre ballade à la Galerie Chantal Crousel, qui présente Gabriel Orozco du 13 septembre au 20 octobre 2007.

Communiqué de presse : "Gabriel Orozco sculpte les gouttes de peinture à même l’envers de feuilles de papier pliées, imprimant son geste dans la figure, et transforme les points en surface."

Merveilleux donc ?
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Eh bien non… en tout cas ça dépend des goûts…
Antoine Perrot va décidément me trouver grognon aujourd'hui , mais je n'ai trouvé aucun, mais alors aucun intérêt à cette exposition. Je vais donc reprendre à mon compte une de ses expressions : "c'est très mauvais".
Je n'y aie trouvé que répétition, clichés mal recyclés, manque total d'inspiration. Un travail déjà vu 1000 fois, et terriblement ennuyeux. Nelly et Thierry ne semblent pas très emballés non plus…
Vivement la sortie !


Nous finissons notre promenade à la Galerie Karsten greve, qui présente James Brown ('Sculpture and painting' ) du 8 Septembre au 13 Octobre 2007.

Dans la première salle nous trouvons des toiles immenses, représentant toutes le même type de sujet : une sorte de paysage minéral, comme des blocs de pierre ou des gros galets posés sur des graviers. Sur certaines toiles un effet concentrique est donné par le travail du fond. C'est intéressant sur 2 ou 3 toiles, mais là encore, comme pour Peter Halley, on est dans un même système décliné :
-  sur des formats différents
- des techniques différentes
- des compositions un peu différentes…
… mais au fond c'est toujours la même chose.

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Avec Thierry et Nelly nous nous asseyons dans un coin de la galerie et nous interrogeons sur le sujet… qu'est-ce qui pousse, et qu'est-ce qui permet à tous ces artistes de se répéter autant ?
Il semble certes normal de voir un artiste explorer un domaine qui l'intéresse, avant de passer à autre chose (le fameux "je trouve, puis je cherche" de Picasso - quoiqu'il me semble avoir lu récemment qu'il n'aurait jamais prononcé ces mots…) mais refaire sans arrêt la même oeuvre en y apportant des déclinaisons mineures à chaque fois, nous semble au final une terrible contrainte, contradictoire avec le terme d'artiste.
Or le système actuel semble pousser toujours plus les artistes dans ce sens…
Drôle d'époque !

Christophe 
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A
Merci pour ce très long post avec un regard critique.<br /> Il faudrait répondre à plusieurs choses :<br /> - Tony Cragg, les dessins, ils sont rapides, enlevés, mais je crois qu’il démontre une vraie maîtrise et une vraie intelligence du dessin. Les quatre dessins si je me souviens bien où sont représentés une scène familière ou familiale et recouverts ensuite d’une sorte de grille abstraite et gestuelle font surgir simultanément et une profondeur et une surface : comme s‘il pouvait être envisager à la fois comme des dessins figuratifs et des dessins abstraits, à la fois comme des sculptures et des peintures. Les dessins de paysage, faits avec des répétitions de 0 et de 1, comme avec des lettres, mais aussi comme le rythme binaire des ordinateurs, ont la caractéristique de ne pas donner à voir la même chose de près et de loin. Alors dessins d’essai, comme ballon d’essai, je ne sais, mais l’utilité (à part la part mercantile) elle est aussi dans le plaisir qu’on peut ressentir à les regarder. <br /> <br /> Pour Matali Crasset et Peter Halley, je suis d’accord avec vous qu’aucun des deux ne négocie avec l’autre, et que cette confrontation n’apporte pas grand chose. Mais il me semble que les dessins au mur de Crasset sont très faibles et il est difficile d’en saisir le sens, ce qui n’est pas le cas de son mobilier superbe ! La peinture de Peter Halley, effectivement répétitive, a toujours cette séduction d’être d’une rare violence colorée et peu d’artistes européens osent ainsi mettre le ton de la couleur à la hauteur des couleurs urbaines.<br /> <br /> Je n’ai pas vu l’exposition d’Orozco, mais les photos que vous montrer ne donne pas trop envie.<br /> <br /> James Brown, une belle peinture pour un goût moyen, peut –être pour le hall d’une banque. Mais il y a tout de même ce jeu de points qui force le regard à bouger en permanence comme une trame irrégulière qui est une belle idée.<br /> <br /> En fait le problème que vous posez à travers ces expositions est la répétition des œuvres qui serait dû au marché : l’œuvre devient une signature et se répète pour la reconnaissance du nom de l’artiste. Je ne crois pas que cela soit si simple, même si votre argument ne peut pas être tout à fait écarté. Parlons en à un prochain cours – mais surtout, je souhaiterais que vous reteniez cette question pour la poser aux intervenants que nous recevons, on peut espérer que la diversité des réponses nous éclaire un peu ?<br /> <br /> Je signale en tout dernier qu’un artiste, que nous avions reçu il y a trois ans à la demande des étudiants et qui était en même temps une personne que j’appréciais beaucoup, Edouard Levé s’est suicidé lundi. Je n’en dirai rien de plus, mais vous pouvez lire ses livres (éditeur POL) et sans doute trouver des vues de son travail sur internet.<br /> Antoine Perrot
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L
merveilleux c'est bien le mot
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